Surveillance et vie privée

À LA RECHERCHE DE L’ENNEMI INTÉRIEUR

Même si le fichage des personnes à des fins de contrôle ne date pas d’hier, les nouvelles technologies facilitent la possibilité de traiter davantage de données d’un plus grand nombre de personnes, au grand dam des droits fondamentaux. A titre illustratif, le Parlement européen estime la surveillance de masse disproportionnée, qu’importent les garanties mises en œuvre par les États. Selon ce dernier, «le respect de la vie privée n’est pas un droit de luxe, mais constitue la pierre angulaire de toute société libre et démocratique; il souligne par ailleurs que la surveillance de masse a des répercussions potentiellement graves sur la liberté de la presse, la liberté de pensée et la liberté d’expression, ainsi que sur la liberté de réunion et d’association, et qu’elle entraîne un risque élevé d’utilisation abusive des informations collectées à l’encontre d’adversaires politiques »(1)

Le terme surveillance de masse est particulièrement flou eu égard au nombre de dispositifs susceptibles d’être concernés : banque de données policières, caméras de surveillance, rétention de données… Ce dossier a donc pour objectif de passer en revue les dernières mesures adoptées ou en voie de l’être, afin de faire un tour d’horizon de certaines techniques mises en place par les États de l’Union européenne et plus particulièrement, la Belgique. 

Tout d’abord, la Banque de données Nationale Générale fait régulièrement une sortie médiatique, les journalistes pointant le nombre important de personnes « fichées ». En effet, cette banque de données alimentée par les services de police, comprend toute information pertinente, soit potentiellement toute information. Même si le fichage d’un fait anodin «n’a pas à faire craindre qui n’a rien à cacher», le risque d’abus et d’accès illicite voire arbitraire à ces données est bien présent (p.10–11). Outre «l’Oeil de Sauron» pour reprendre les termes de l’auteur, nos rues sont garnies de caméras intelligentes susceptibles de détecter des mouvements « suspects ». Or, leur efficacité est loin d’être démontrée (p.12–13). 

Ensuite, dans l’environnement numérique, le panel de mesures ne cesse de s’intensifier (Passager Name Record, rétention de données… (p.14–15)). Tandis que nous crions au loup, certaines entreprises fournissant des services gratuits type Facebook ou Google, traitent nos données, les croisent et les transforment en véritable source de profits. Ces données constituent également une mine d’informations pour les autorités répressives, les acteurs privés étant tributaires d’une obligation de collaboration envers les enquêteurs. La surveillance de masse n’est donc pas que répressive, elle est aussi et tout d’abord commerciale (p.15–16). Néanmoins, si le sentiment d’impuissance est bien présent face à des technologies que nous ne maîtrisons pas ou peu, la résistance s’organise venant mettre à mal ce présupposé transfert consenti de données à caractère personnel sur la toile (p.16–17). 

Enfin, de manière transversale, l’ensemble de ces dispositifs revêtent un caractère « numérique » et incluent de nouvelles fonctions: détection, tracking, identification, géolocalisation… La surveillance n’est plus que matérielle, elle est aussi virtuelle. Entre adoucissement et intensification du contrôle, la surveillance technologique n’en est pas moins toujours plus invasive (p.18–19). 

Les nouvelles technologies représentent également de réels enjeux sociétaux. Si certains sont à la recherche de leur for intérieur, d’autres sont surtout à la recherche de l’ennemi intérieur. Surfant sur un discours de lutte contre le terrorisme et invoquant le « problème » de l’immigration, un État « ultra préventif » se développe, au bonheur des sociétés et du lobby sécuritaires. 

Dossier coordonné par Catherine Forget 

Notes et références
Depuis une vingtaine d’années, les caméras de surveillance fleurissent dans nos villes. Pourtant, peu d’informations circulent sur les raisons de leur installation à tel...
L'éventail de mesures de traitement de données à caractère personnel à grande échelle est multiple et ne cesse de se développer. Ainsi, récemment, le...

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