Paul Lannoye (1939–2021), mort d’un éclaireur

Depuis la création de Kairos en 2012, pour la première fois nous devons affronter le deuil, la perte d’un collaborateur précieux et d’un ami. Paul Lannoye nous a quittés le 4 décembre dernier, emporté par une maladie mal soignée appelée covid, à l’âge de 82 ans. Il tenait sa rubrique fidèlement, les lecteurs attendaient ce rendez-vous bimestriel marqué par l’intelligence, la pertinence, la puissance d’analyse, la clairvoyance et le franc-parler qui le caractérisaient. Paul abordait tous les sujets qui touchent à l’écologie, dont il était un pionnier et le plus illustre représentant en Belgique francophone : au début des années 1980, co-fondateur d’Ecolo, parti qu’il avait finalement quitté quelque 25 ans plus tard, déçu par son institutionnalisation ; député européen du groupe des Verts de 1989 à 2001, où il a manié l’art du compromis sans jamais accepter la compromission ; fondateur du Groupe de réflexion et d’action pour une politique écologique (GRAPPE) en 2004, co-fondateur du Mouvement politique des objecteurs de croissance (mpOC) en 2009, plus récemment de l’asbl Fin du nucléaire, des collectifs STOP compteurs communicants et stop-5G.be, et tout dernièrement du Réseau Résistance et Liberté, en réaction à l’inflation hygiéniste et sécuritaire. Docteur en sciences physiques, il savait que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » et s’était tôt engagé en faveur d’une écologie politique tout en restant attentif à l’écologie scientifique.

Fidèle à sa chronique dans Kairos depuis avril 2012, dès le début, il manqua peu à son devoir, et quand cela arrivait parce qu’il croulait sous le travail, il le regrettait toujours. Et il n’était pas le seul… les correctrices attendaient avec impatience le texte de Paul qui trônait souvent en page 3, hommage au vieux lion qu’il était, qui n’avait rien perdu de sa juste colère, de sa probité et de sa grandeur, intraitable avec les lâches et les opportunistes. Quand son texte n’était pas là, il manquait quelque chose.

Dès le printemps 2020, Paul s’est dressé vent debout contre la politique « sanitaire » du gouvernement belge. Il avait choisi de ne pas se faire vacciner et ne s’en cachait pas, sans non plus s’en vanter, l’homme était bien trop discret et pudique pour cela. C’est cette maladie qui l’a emporté dans sa forme sévère. « Aaah, nous l’avions bien dit, il aurait dû se faire vacciner ! », commentent avec un triomphalisme indécent et imbécile les scientistes, les hygiénistes et les vaccinolâtres. « Maintenant que le covid a tué l’un des vôtres, allez-vous enfin admettre la dangerosité de ce virus et changer votre discours ? ». Non, nous ne le changerons pas : abstraction faite de l’impossibilité d’être soigné précocement du covid — ce que Paul, comme d’autres, a payé chèrement —, la vraie question n’est pas la dangerosité du virus, mais celle du psychobiopouvoir. Nous faisons la part des choses entre les cas individuels – toujours dramatiques – et la dimension collective et statistique. Nous sommes capables de laisser de côté l’émotion pour nous centrer sur la raison qui devrait toujours prévaloir dans l’exercice de la politique et de la philosophie. Paul aurait été le premier à nous engueuler si nous avions fait une courbe rentrante suite à son départ. Il a toujours eu une longueur d’avance dans la perception des enjeux de société, été avant-gardiste, éclaireur, audacieux pour nager à contre-courant et défendre ses idées. Cela vaut aussi pour son dernier combat qui l’a occupé depuis le déclenchement de la crise au début 2020. Non, il ne s’est pas égaré ! Jusqu’à la fin, cette capacité à être visionnaire et cette lucidité lui sont restées chevillées au corps. Jusqu’à un certain point, le dernier combat qu’il a mené, c’est de mourir pour ses idées en homme cohérent et responsable de lui-même. Que son modèle de courage et de probité nous inspire, que son esprit libre et engagé continue à souffler sur nos luttes.

La rédaction

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